Présentation
par Federica Rossi
Dédié à Fredi
M. Murer, pour « Chicorée »
Résumé
Partis un samedi
ensoleillé du mois de mai 2001 pour un tournage prévu à l'origine
dans un champ de colza, trois comédiens, un musicien et un écrivain
sont amenés par un réalisateur dans un endroit des plus étranges.
Les fleurs de colza n'étant plus assez jaunes, le réalisateur
a choisi un nouveau lieu, une plate-forme d'éléments primaires,
un site chargé de la pesanteur du vide et du silence.
Dans le but
de jouer en improvisant des dialogues inspirés à la pièce Huis
Clos de Jean–Paul Sartre (L'enfer, c'est les autres) les trois
comédiens - Dominique Gubser, Fabienne Thonney et Pietro Musillo
- ainsi que Jérôme Ogier (violoniste et comédien) découvrent
que l'enfer, c'est la recherche de l'enfer, cela avec la complicité de
Patrick Weidmann (écrivain). Encadrés par Chris Dejusis (réalisation
et caméra) et Federica Rossi (son) ils se retrouvent dans un
espace trop vaste: à première vue, le lieu inspire la liberté et
non l'enfermement. Comment créer l'enfer dans cette liberté extrême?
Les comédiens se le demandent tout au long du film. Les phrases
fragmentées que l'écrivain propose les déroutent dans leur jeu.
Les mots en
liberté de l'écrivain déclenchent une vive discussion, puis un
rejet de la part des comédiens.
Le site du
tournage devient le véritable enfer, sorte de gironi danteschi
autour desquels les acteurs errent anxieux et vibrants, stimulés
et désespérés à rechercher les enjeux qui pourraient les amener
dans la spirale de l'angoisse.
La situation est toute simple: "Vous
improvisez que vous êtes en enfer." C'est la
seule contrainte que le réalisateur impose aux acteurs – mais
elle est de taille! L'espace est trop large, les comédiens
recherchent cet enfer, mais il y a trop de liberté. Par moment
l'absurde devient le principal protagoniste.
La restriction
d'espace est finalement vue comme une solution. La décision de
s'auto-limiter et de créer une nouvelle situation de jeu, cela
dans le même site, mais à l'intérieur d'une voiture, concentre
les énergies des comédiens, qui sont enfin confrontés à l'obligation
de se révéler mutuellement la raison pour laquelle ils se trouvent
en enfer.
C'est ainsi
que commence la partie fiction du film. Comme une ligne infinie
qui, à un certain moment devient spirale, la trame se compresse:
"Il est temps d'achever
l’œuvre dans l'habitacle."
"Pourquoi on est là....?
Pourquoi on est là...?"
Les trois personnages, Estelle, Inès et Garcin,
découvrent la chose qui leur est commune. Dans l'espace confiné de
la banquette arrière d'une voiture, le Huis Clos devient le Colza
Klo où les trois personnages, au début réticents à se dévoiler,
se retrouvent finalement mis à nu, derrière la buée sur les vitres
laissées par leurs paroles.
Dans un premier
temps nous avons travaillé sur une version qu'on aime appeler "documentaire
de fiction", structurée en 10 flash back (à l'intérieur
de la voiture il y a fiction, à l'extérieur il y a documentaire;
les extérieurs documentent la recherche de l'intérieur – à la
recherche des mots, à la recherche des enjeux, é la recherche
de la situation,….). Pour la présente version nous avons choisi
de raconter une histoire de fiction, en montrant que "l'enfer,
c'est chercher le paradis".
Colza Klo c'est
un film qui échappe à toute étiquette; il est structuré de sorte à montrer
ce qui se passe à l’intérieur de la voiture comme un crescendo
de passions, tout en laissant des passages de l’extérieur, qui
puissent charger le jeu des acteur d’une recherche préalable
et continuelle. C'est un film dans un film sur la manière de
jouer, d'improviser, de chercher et trouver des repères, un autre
décor, une nouvelle source d'inspiration, pour donner le mieux
de soi, trouver la pertinence dans une situation où tout semble être
permis, l'ordre dans le désordre et le désordre dans l'ordre.
Le scénariste, rejeté pour ses dialogues, redevient écrivain
et s'exprime par intertitres: le montage devient collage.
Le film se
termine à l'intérieur de chacun de nous, qui dans le passage
du jeune du colza au noir des tournesols, voyons toutes les brûlures
de nos actions, nos passions, nos remords. Les dernières images
nous plongent enfin à nouveau dans un champ de colza, qui n'est
plus assez jaune, mais qui évoque le paradis, l'espace après
l'enfermement. Mais alors, est-ce le paradis c' est chercher
l'enfer?
Ce film se veut être un éloge à la
liberté d'inspiration, à la liberté du jeu, à la liberté du tournage,
du collage, du montage et du démontage. Les notes aiguës et graves
chantent tout au long sur un ton ironique cette liberté.
Quelques
notes…
Colza Klo est
une recherche et en même temps un résultat. C'est une histoire
sur la vie, les sentiments et la mort, racontée à travers des
images et des dialogues fortes, qui parcourent les différents
moments du tournage. Nous découdrons qu'une liberté totale dans
le jeu et dans l'histoire est l'enfer pour les comédiens et pour
celui qui les dirige.
Ce qui nous
intéresse est de faire ressortir la capacité des artistes à transmettre
l'anxiété et le bonheur qu'ils ont à trouver leur personnage.
Par les expressions du corps et par les mots sur la façon de
jouer, nous découvrons leur passion créative. Par moments, la
parole domine, elle cherche à exprimer le drame de chacun, à trouver
un dialogue entre le je et le tu, bloquée par les regrets de
cette troisième personne, de l'autre, toujours présent, mais à chaque
fois différentes.
Les personnages
L'histoire des personnages
est inspirée du Huis Clos de Jean-Paul Sartre.
Estelle
(Dominique Gubser) est la fille un peu superficielle et
insouciante, qui cache derrière la légèreté de ses actions
une lourdeur inquiétante. Est-ce qu'elle se met vraiment à nu,
lorsqu'elle avoue enfin avoir tué l'enfant qu'elle ne voulait
pas?
Inès
(Fabienne Thonney) est une femme dont les mots et les gestes sont
dures et décidés. Elle aussi révèle un passé qu'elle aurait
peut-être voulu différent: Elle a aimé une femme qu'elle a
menée au suicide.
Garcin (Pietro
Musillo) est un beau garçon qui a jouit des faveurs de
beaucoup de femmes, cela en trompant sa femme. Il ne souffre
pas des souffrances infligées à sa femme, mais de sa propre
lâcheté.
Le garçon de chambre (Jerôme Ogier) introduit les trois personnages
dans leur demeure éternelle. Muet, il leur rappelle avec son regard inquiétant
et ses gestes calculés, la réalité infinie qu'ils ont devant eux.
Pour de plus amples informations sur les comédiens, visitez le site www.comedien.ch
Le style
et les coulisses du film
Un huis clos
dans un champ de Colza? Les beaux champs de colza en fleur qui
s'étalent à perte de vue pendant le mois de mai dans la campagne
romande inspirent le propos initiale, d'où le titre Colza Klo.
C'est un film sur un film,
un making of, et c'est le film lui-même. Les acteurs,
le réalisateur et la preneuse de son restent omniprésents sur
l'écran. L'équipe réduite permet de créer l'ambiance tout à la
fois de grande proximité et de grande distance entre les personnages.
La prise de
vue est faite avec deux caméras numériques, dont l'une est fixée
sur un trépied, immobile, et l'autre bouge à l'extrême. Celle-ci
suit les protagonistes dans leurs dialogues, capture (ou rate)
leurs gestes et autres expressions, celle-là souligne l'attente
infinie, le silence, l'indifférence, le côté vain des passions,
des regrets, de l'amour... L'immobilité et le mouvement des caméras,
la prise de son brut, la musique d'une grinçante harmonie, le
montage en forme de démontage et le mixage fragmenté insufflent
une vie à des quêtes sans cesse répétées.
La buée des
vitres, chauffées par le crescendo du jeu des comédiens, obstacle
que les mouvements de la caméra cherchent à surmonter, créent
un effet naturellement dramatique, naturellement imparfait. L'imperfection
forme, transforme et déforme les visages de la vérité racontée
par les comédiens.
Il nous semble que ce film
ne devrait pas avoir de fin…
Les participants
Les acteurs
principaux, Dominique Gubser, Fabienne Thonney et Pietro Musillo,
se sont engagés - avec grand courage - dans ce projet avec une
forte envie de jouer selon des paramètres déroutant, dans un
décor insolite, sans moyens matériels, cela pour mettre à l'épreuve
leur talent dans une situation atypique. Ils ont ainsi véritablement
vécu une alternance entre "enfer" et "paradis" lors
d'un après-midi ensoleillé du mois de mai 2001. Entre "papotages" et
autres errances, ils ont atteint des moments de jeu magique.
Jérôme Ogier, violoniste et "groom", veille en enfer, sourd et
muet. Il improvisera par la suite la musique du film, délirante elle aussi.
L’écrivain
Patrick Weidmann, auteur du fabuleux Happy Ends (éditions Idéal,
1997) a accepté de écrire sur place des dialogues inspirés du
Huis Clos de Jean-Paul Sartre, dont les mots "l'enfer, c'est
les autres" sont inscrits à dans notre mémoire collective.
Laissant ce monument "im Klo" (le mot allemand pour
WC – water closed), Patrick Weidman tente de suggérer, à fur
et a mesure du tournage, des répliques de plus en plus abstraites
aux comédiens: "Est-ce que l'on peut utiliser le mot 'pizza'?" Ainsi,
l’un après l’autre, les mots du dialogue suscitent des contradictions,
des tensions, puis un refus de la part des comédiens de réciter
des sons verbaux. Le scénariste se retire et redevient écrivain
pour mettre sur papier une prose sur ce "cinéma du week-end" auquel
il est en train d'assister.
Federica Rossi,
prend le son et capte la lumière du soleil pour la refléter sur
les visages des comédiens. Par sa perche frêle, elle cherche à saisir
l'écriture brouillonne – "caméra stilo-à-billes" de
Colza Klo. Federica Rossi est linguiste et sa recherche académique
(thèse de doctorat) porte sur la langue écrite, la langue parlée
et la langue jouée exprimée en cinéma. Elle est intriguée par
l’écriture de scénarios, par la métamorphose de la page écrite
sur un plateau de tournage, par l'adaptation d’une œuvre littéraire à l'écran.
Elle est émerveillée par l'œuvre de Luigi Pirandello et partage
avec lui son intérêt pour le cinéma.
Chris Dejusis,
le réalisateur, cameraman et co-monteur de Colza Klo a été fasciné par
une vision, celle d'une histoire complexe et universelle tournée
dans un champ de colza en fleur. Il a proposé aux comédiens,
qui ont joué sous sa direction dans une trilogie de courts-métrage
de fiction, Mosaïc Barjo (voir www.boheme.net),
actuellement en phase de finition, de tenter cette aventure en
commun. Le cinéma est pour lui la principale façon d'exprimer
ses idées. Autodidacte, il a suivi quelques cours d'écriture
de scénario et de réalisation, de montage, notamment à la UCLA
Extension à Los Angeles, et a fait des assistanats et stages
dans tous les domaines du cinéma. Il a fait en tant que auteur-réalisateur
plusieurs court métrages de fiction.
Fiche
technique
Colza Klo a été fait
dans le cadre de l'action contestataire doegmeli 261 (www.doegmeli.ch),
cela sans argent.
Réalisation et caméra Chris
Dejusis (Suisse-Pologne)
Acteurs Dominique
Gubser, Fabienne Thonney, Pietro Musillo (Suisse)
Son Federica
Rossi (Italie)
Mixage Maurice
Engler (Suisse)
Ecrivain Patrick
Weidmann (Suisse)
Musique Jérôme
Ogier, Paul Courlet (France), Stephan Mauclaire (Pologne)
Montage Chris
Dejusis, Dani Rytz (Suisse)
Genre Fiction
Durée 42’
Support Tournage Caméra
vidéo digitale
Langue Français
Date de tournage 19
mai 2001
Dates de montage six
mois ente mai 2001 et novembre 2002
Fleurs Fleurs
de colza de Vaud et tournesols d’Ombrie
Colza
Klo est une production www.boheme.net
Contact:
Boheme.Net Films Production
14, Rue François Grast - 1208 GENEVE – CH
chris@boheme.net